Aurora trouve refuge chez ses amies


Entrée de la Vieille Ville. Photo: Mariàngela Vilallonga

À l’Institut Dalcroze, Aurora fait des amies. Elle va nous raconter comment et nous les présenter. Nous ferons ensemble une petite promenade dans quelques rues genevoises. Avec Elisa Uriz, nous irons un moment place des Eaux-Vives. Avec mademoiselle Bosset, nous déjeunerons place du Bourg-de-Four un jour de Noël. Pour finir, nous serons reçus chemin de Contamines chez mesdames Brucker et Gandillon.

Girona: Diputació de Girona, 2013


À l’Institut, on trouvait des gens de tous les pays, surtout des Suédois, des Danois et des Américains. Les élèves venus du Nord dépensaient beaucoup plus que nous, le petit groupe de Latins : deux Genevois, une Lausannoise, une Française, une Persane d’origine française, une Italienne et deux Espagnoles : Elisa Uriz et moi.

Girona: Diputació de Girona, 2013


Nous espérions toujours qu’il ferait beau et que nous pourrions aller nous promener sur les quais du Rhône et du lac, au Jardin Anglais... Mais le soleil n’était jamais au rendez-vous. Le lendemain, il pleuvait ou le vent du Nord soufflait, froid et mordant. La petite chambre d’Elisa redevenait notre refuge.

Girona: Diputació de Girona, 2013


Depuis l’époque où Elisa et moi discutions dans sa chambrette de la place des Eaux-Vives, en 1923, les questions sociales ont fait des progrès et ont évolué.

Girona: Diputació de Girona, 2013


Les vacances de Noël et du Nouvel An n’avaient pas été aussi tristes et calamiteuses que je ne le craignais. Lorsque l’une de mes condisciples genevoise, mademoiselle Bosset, apprit que je restais à Genève, elle m’invita à déjeuner le jour de Noël. Elle vivait avec sa sœur, professeur de piano, place du Bourg-de-Four, dans une maison aussi vieille que le reste du quartier, calme et silencieux à l’image des deux demoiselles, d’âge assez mûr. Elles étaient gentilles, sans-façon, aimables. Nous sommes devenues très amies et elles m’ont invitée souvent depuis.

Girona: Diputació de Girona, 2013


Madame Brucker m’a reçue avec affabilité. Elle était jeune, belle, extrêmement élégante. L’appartement, un entresol dans peut-être le seul immeuble construit à l’époque dans le très résidentiel chemin de Contamines, était moderne, confortable, luxueux. Il paradait fièrement à côté de son voisin bourgeois, le quartier des Tranchées. Les résidences privées disparaissaient derrière les arbres touffus et presque tous centenaires qui les entouraient.

Tous ces arbres, qui constituaient chacun un magnifique monument végétal, ont été abattus de nos jours par de terribles machines coupeuses. Là où des parcs et des jardins ornaient les grandes villes, vous verrez des bâtiments de huit ou dix étages, ultra-modernes et pourvus du plus grand confort, occupés par des nouveaux riches ou par d’anciennes fortunes comme notre compatriote Patxot.

Girona: Diputació de Girona, 2013


La maison des Gandillon était un véritable palais à côté de l’appartement des Brucker qui m’avait pourtant semblé être la plus confortable, la plus élégante et la plus luxueuse des demeures. Pour entrer chez les Gandillon, on passait une énorme grille de fer forgé qui donnait sur un parc où croissaient et s’étendaient majestueusement des marronniers, des ifs, des pins sylvestres, quelques cèdres bleus... Dissimulée sous la dense ramure des arbres centenaires, la construction était invisible du chemin de Contamines. À l’intérieur, tout respirait le confort et luxe ; des radiateurs distribués avec habileté répandaient une agréable chaleur qui s’unissait au parfum de térébenthine de la cire. Après ma chambre glaciale de la Terrassière, où je devais faire mes gammes en gants de laine et cache-nez, la résidence des Gandillon était pour moi un paradis, un petit bout de ciel enclavé dans Genève. Je fus accueillie par madame Gandillon, la maîtresse de maison, naturelle, cordiale et très élégante dans sa tenue de grande dame toute simple.